Ce livre est la réunion de deux conférences, dans la première desquelles M. Ananda K. Coomaraswamy expose The normal view of Art, c’est-à-dire la conception traditionnelle, telle qu’elle exista jusqu’à la Renaissance, en tant qu’elle s’oppose à la conception anormale des modernes. Suivant la vue traditionnelle, l’art implique essentiellement une connaissance, loin d’être simplement affaire de sentiment l’œuvre d’art ne peut être vraiment « belle » que si elle est adaptée à l’usage auquel elle est destinée, et, quelle qu’elle soit d’ailleurs, c’est seulement à cette condition qu’elle peut atteindre la perfection dans son ordre ; et l’artiste ne doit point chercher à être « original », mais à être « vrai ». Nous citerons, comme tout spécialement intéressant à notre point de vue, ce passage concernant les initiations de métier : « L’objet de toutes les initiations est, par la transmission d’une impulsion spirituelle, de stimuler dans l’individu le développement de ses propres possibilités latentes. L’enseignement initiatique rattache l’activité caractéristique de l’individu, manifestée extérieurement dans sa vocation, à un ordre universel, intérieurement intelligible ; l’artisan initié travaille, non plus simplement à la surface des choses, mais en accord conscient avec un modèle cosmique qu’il s’attache à réaliser. Un tel enseignement s’appuie sur la vocation et en même temps réagit sur elle, lui donnant une signification plus profonde que celle qui peut s’attacher au simple talent ; la vocation devient le type d’une activité ayant des prolongements et des correspondances dans tous les domaines, non seulement matériels, mais aussi intellectuels, et même en Dieu, qui, en tant que Son acte est conçu comme une création per artem, est l’exemplaire de tout ouvrier humain. De cette façon, la tradition affirme que les œuvres d’art sont des imitations, non pas d’autres choses, mais de formes conçues dans l’esprit de l’artiste et qui, à leur tour, doivent être, dans la mesure où ses pouvoirs le permettent, à la ressemblance des raisons éternelles. » – Le sujet de la conférence de M. Graham Carey est Liberty and Discipline in the four artistic essentials ; ces quatre choses essentielles sont le but que se propose l’activité artistique, la matière sur laquelle elle s’exerce, les outils ou instruments qu’elle emploie, et enfin l’idée ou l’image à laquelle elle se conforme (on peut remarquer que ceci correspond aux quatre « causes » d’Aristote), La thèse de l’auteur est que, suivant la conception traditionnelle, l’artiste était soumis à des règles strictes quant aux trois premiers points, mais libre à l’égard du quatrième, tandis que, en ce qui concerne l’art moderne, la situation a été exactement renversée. Il examine en détail quelques tentatives qui lui paraissent susceptibles de favoriser un retour à l’ordre normal ; et, en terminant, il insiste sur le fait que l’intention artistique, procédant du désir de donner, est à l’opposé de l’intention commerciale, qui procède du désir d’acquérir, si bien que toute « commercialisation » est contraire à l’esprit même de l’art.