Le Journal of the Indian Society of Oriental Art (n° de décembre 1935) a publié une importante étude de M. Ananda K. Coomaraswamy sur la peinture jaïna, qui, conçue dans le même esprit que ses Éléments of Buddhist Iconography dont nous parlons d’autre part, complète d’heureuse façon les vues exposées dans ceux-ci ; et le sous-titre : « Explicitur reductio hoec artis ad theologiam », inspiré d’un opuscule de saint Bonaventure, en précise nettement les intentions. Comme le Bouddhisme, le Jaïnisme, bien qu’hétérodoxe et rejetant même formellement la tradition vêdique, n’a pourtant, en fait, rien changé d’essentiel à la conception primordiale d’un Avatâra éternel, si bien qu’on peut faire, au sujet des représentations de la « vie du Conquérant » (Jina-charitra), des observations parallèles à celles auxquelles donnent lieu la vie du Bouddha. L’auteur fait aussi remarquer que la révolte du pouvoir temporel (Kshatra) contre l’autorité spirituelle (brahma), que reflète le Jaïnisme aussi bien que le Bouddhisme, est en quelque sorte préfigurée, comme possibilité, par un certain aspect « luciférien » de l’Indra vêdique ; les doctrines hétérodoxes qui présentent un tel caractère pourraient donc être considérées comme la réalisation même de cette possibilité au cours d’un cycle historique. L’étude se termine par d’intéressantes considérations sur la méthode de « narration continue » employée dans les peintures dont il s’agit, et par laquelle « une succession d’événements est représentée en simultanéité spatiale », ce qui restitue en quelque façon, analogiquement, le caractère intemporel de leur archétype métaphysique. Tout ceci, bien entendu, peut s’appliquer également à ce qu’on trouve de similaire dans l’art chrétien ou dans tout autre art traditionnel, qui procède toujours, par une dérivation continue, de la « tradition universelle et unanime » (sanâtana dharma), dont la source ultime est une « révélation » (shruti) « reçue au commencement de la Lumière des Lumières ».